Au commencement était…l’association des « amis du vieil Allanche » ; le jour de la publication de son cahier N° 5, le 13 juillet 2012, elle avait, comme c’est sa tradition, organisé une conférence, à 16 heures à la salle des fêtes. Le thème était « le loup », le conférencier était un membre de l’association, Jean Marc Moriceau ; celui-ci, professeur à l’université de Caen, spécialiste du monde rural et du loup, vient depuis quelques années respirer l’air revigorant du Cézallier dans sa maison d’Aubevio de Véze.
Au cours de son fort intéressant propos, il révéla que le dernier loup tué en France et ayant donné lieu au versement officiel d’une prime, l’avait été dans la commune de St Jacques des Blats, en 1927.
Il se trouvait dans la salle un autre membre de l’association, Pierre Amiral ; autant pour faire l’intéressant que pour contribuer à la connaissance du sujet, il expliqua que la peau de ce loup de 1927, il l’avait vue, lui, de ses propres yeux, dans une vitrine, dans l’auberge « à la peau du loup » tenue par le ménage Frescal au village des Gardes dans la commune de St jacques !
Paroles imprudentes…aussitôt, Jean Marc Moriceau et le président Philippe Glaize lui sautèrent dessus : « cette peau, il faut absolument que tu nous la retrouves !«
L’imprudent ne put que répondre : « je vous promets d’essayer mais je ne vous garantis rien ; c’était un temps que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître, je sais que l’auberge n’existe plus, alors …«
Néanmoins, dès le lendemain, il contactait son vieil ami Claude Périer, grand amateur de nature, implanté depuis longtemps aux Chazes de St jacques et le mettait amicalement mais fermement en demeure de rechercher la célèbre peau !
Ledit Périer s’adressa aussitôt, le maire de la commune, Jacques Frescal ; quelques semaines plus tard, il rendait compte de sa mission en ces termes : « l’auberge n’existe plus, la patron est décédé, madame Louise Frescal qui avait déménagé dans une autre maison du hameau avait-elle fait suivre la peau du loup ? Maintenant, elle vit dans une maison de retraite à Raulhac, il ne sera pas facile d’aller explorer la maison mais le maire s’en occupe, je te tiendrai au courant« .
Trois semaines passent, et nouveau compte rendu : « le maire a vu madame Frescal qui est sa cousine, elle lui a dit que la peau était vraisemblablement dans la maison qu’elle a quittée, il s’occupe d’organiser une visite, tu en seras avisé. »
Electroniquement, Pierre Amiral informe aussitôt Jean Marc Moriceau, il est prudent mais optimiste : « j’ai bon espoir que nous puissions voir la peau du loup, du moins ce qu’il en reste !… »
Le professeur, enthousiaste, lui demande d’essayer de répondre à huit questions indicatives, non limitatives : qui était le chasseur ? Où et comment l’animal a-t-il été abattu ? Quel était son poids ? La dépouille a-t-elle été promenée dans les villages ? La presse locale en a-t-elle parlé ? etc.
Le maire a bien travaillé, madame Louise Fescal a été on ne peut plus coopératrice et le grand jour arrive.
Le 22 septembre 2012, au village des Gardes, sous un brillant et doux soleil d’automne, sous l’œil bienveillant et un peu narquois du Puy Griou, une petite troupe s’avance vers la maison du trésor ; il y a là, la propriétaire, Madame Louise Frescal, sa soeur et son beau frère, Jacques Fescal le maire, Philippe Glaize le président appareil photographique en bandoulière, madame Périer qui supplée son mari en voyage en Amérique du sud, Pierre Amiral et sa compagne et un ménage d’acheteurs éventuels de la maison pour lesquels elle doit être ouverte !
Et la maison est ouverte ! Elle est en bon état ; elle se compose de deux grandes pièces au rez de chaussée et d’une grange au dessus.
En pénétrant dans la première pièce, premier choc, voici la fameuse vitrine…elle est vide ! Des coups d’œil à droite et à gauche et dans la pièce voisine, rien !
La troupe fébrile prend alors l’escalier, investit la grange, aux aguets.
Soudain, là bas, près de la grande porte, étendue, à cheval sur une « claie », les aventuriers aperçoivent une fourrure, c’est la bête !
La tête penchée, l’air un peu triste, elle regarde s’avancer cette procession.
Les protagonistes progressent prudemment ; ils ont peur qu’en approchant le mirage disparaisse, que la peau tant convoitée tombe en poussière sous leurs yeux ; alors, vite, ils la photographient,..
Puis ils s’enhardissent, ils la touchent délicatement ; le poil a l’air de tenir, ils prennent donc une initiative hardie, ils l’enlèvent de sa position inconfortable et l’étalent sur la route, en plein soleil.
Il faut voir avec quelle frénésie enthousiaste Philippe et Pierre la photographient sous tous les angles.
Après une longue exposition, après avoir fait l’objet d’une admiration unanime, elle est délicatement remise à sa place, dans la grange. Mais, avant les remerciements bien mérités à Louise Frescal et au maire, Philippe et Pierre insistent auprès de ce dernier pour qu’il ne laisse pas dans l’ombre cette pièce rare du patrimoine communal ; il est spontanément d’accord et, puisque madame Louise Frescal souhaite depuis longtemps en faire don à la commune, il s’engage à entamer un processus officiel de cession.
Le processus prendra un certain temps, il faut un acte notarié et recueillir l’accord des trois enfants de madame Frescal.
Finalement, tout est réglé à la fin de l’été et le maire organise la cérémonie de remise du trophée à la commune ; ce sera le 26 octobre 2013 à 14 heures 30 dans la salle des expositions de St Jacques des Blats.
Participent à cette remise : madame Louise Frescal et son fils Maurice accompagné de son épouse et de ses deux enfants, Jacqques Frescal maire et plusieurs membres du Conseil municipal, Jean Marc Moriceau le professeur, Claude Périer le lanceur des recherches sur St Jacques et son épouse, plusieurs membres de l’association des amis du vieil Allanche dont Pierre Kaiser, Pierre Amiral et sa compagne, M. et Mme Aubert -à son grand regret, le président Glaize était excusé- deux représentants de la presse locale et un public d’une quarantaine de personnes.
La peau tendue sur une grille attendait tranquillement. Son transfert immobile ne la dérangea pas outre mesure.
Le maire prit la parole, narra rapidement les péripéties, remercia chaleureusement Louise Fescal pour son généreux geste citoyen, l’association des « amis du vieil Allanche » à l’origine de l’aventure et le professeur Moriceau pour l’ensemble de son œuvre. Ce dernier, à qui rien de ce qui touche au loup n’est étranger et qui vient de publier un copieux ouvrage intitulé « sur les pas du loup », offrit à l’assistance, sur un ton particulièrement alerte et agréable, une conférence d’une grande richesse…
L’après midi se termina par un vin d’honneur offert par la municipalité. Quant à la peau, en instance ou en cours de restauration, elle va prendre place dans une nouvelle vitrine visible à la mairie de St Jacques.
Le lendemain de ce jour mémorable, un loup bien vivant, sans doute jaloux de l’honneur fait à son lointain ancêtre, a fait une apparition sur le versant Impradine du Peyre Arse. Mais ceci est une autre histoire !…
Les amis du vieil Allanche sont heureux d’avoir contribué à cette résurrection de la peau du loup abattu en 1927, aux Gardes de St Jacques !
Et c’est ainsi que le Cézallier est grand !
Texte de Pierre Amiral
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